Clarinette ou alto ? Paul Zientara ne semble pas jouer d’un archet, il chante, avec dans le timbre de son alto des inflexions sensibles qui sont les mots même que Brahms mit derrière chaque mesure de ses œuvres ultimes.
L’alto, plus que la clarinette, s’approche de la voix humaine si chère au compositeur de la Rhapsodie, l’alto vocal justement, cette tessiture dont la sfumato est l’essence et qu’illustrent trois Lieder placés comme autant de respirations entre les deux Sonates. Pour Wie Melodien zieht es mir, déduit par l’altiste de l’appropriation si sensible que Jascha Heifetz se destina, Paul Zientara ôte tout sucre, le soleil y luit encore face à la nuit d’Immer leiser wird mein Schlummer, la Berceuse liant les deux, triptyque magique qui fait rêver de tout un album de Lieder sous le regard si tendre de ce beau duo.
Le grand violon en clef d’ut suppose contrairement au volume autrement sonore de la clarinette une intimité plus troublante, il célèbre tout un automne, une mélancolie en découle d’évidence, où le piano d’Arthur Hinnewinkel se glisse, autre liedersänger, tant de timbres diffractés, d’émotions dans les phrasés, tant de touchers subtils disent assez combien les méandres harmoniques de Brahms lui sont naturels. Et soudain quel feu pour le Scherzo de la F-A-E où l’alto prend des airs de cor de chasse !
Je garde William Primrose et Rudolf Firkušný, Pinchas Zukerman et Daniel Barenboim, Yuri Bashmet et Mikhail Muntian, Tabea Zimermann et Kirill Gerstein, Veronika Hagen et Paul Gulda, mais je crois bien que désormais je reviendrai plus souvent ici.
LE DISQUE DU JOUR
Johannes Brahms
(1833-1897)
Sonate pour clarinette ou alto et piano No. 1 en fa mineur, Op. 120 No. 1
5 Lieder, Op. 105 (extrait :
No. 1. Wie Melodien zeiht es mir ; version pour alto et piano : Zientara & Hinnewinkel, d’après la version Heifetz)
5 Lieder, Op. 49 (extrait :
No. 4. Wiegenlied ; version pour alto et piano : Zientara & Hinnewinkel)
5 Lieder, Op. 105 (extrait : No. 2. Immer leiser wird mein Schlummer ; version pour alto et piano : Zientara & Hinnewinkel)
Sonate pour clarinette ou alto et piano No. 2 en mi bémol majeur,
Op. 120 No. 2
Scherzo e nut mineur, WoO 2, composée pour la Sonate “Frei aber einsam » (version pour alto et piano : Zientara & Hinnewinkel)
Paul Zientara, alto
Arthur Hinnewinkel, piano
Un album du label naïve V8971
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Photo à la une : le pianiste Arthur Hinnewinkel et l’altiste Paul Zientara – Photo : © Yannick Perrin