Quel feu dans le Finale de la 9e de Dvořák, quelle poésie expressionniste dans son Largo, et quelle fantaisie soudaine dans l’épisode des musiciens, toute la Moravie s’invite chez les Berliner.
Je ne connaissais pas la Nouveau monde d’Otto Gerdes, que les dictionnaires musicaux ne citent plus guère, sinon pour rappeler qu’il fut le producteur sous étiquette jaune d’Herbert von Karajan après qu’Elsa Schiller eut passé la main : celui qui surveilla la révolution du Ring de Karajan, c’est lui.
Karajan l’écoutait quasi autant qu’il s’écoutait lui-même, sa prestance sur l’estrade, et sa personnalité conquérante encouragèrent Deutsche Grammophon à lui confier plusieurs sessions où il troqua la cabine d’écoute contre l’estrade, au contentement des Berliner Philharmoniker et de quelques autres phalanges.
Le fort caractère de sa direction rappelle qu’il étudia son art à Cologne auprès d’Hermann Abendroth, dont il hérita les emportements, la ferveur, l’éloquence, qualités qui éclatent dans l’Ouverture de Rienzi (Golovanov n’a qu’à bien se tenir), dans le Prélude des Meistersinger, et culminent dans l’acte du Venusberg de ce Tannhäuser (version de Dresde) où Birgit Nilsson incarne Elisabeth et Venus ; bien plus qu’une curiosité où Wolfgang Windgassen semble inviter l’urgence de la scène et où l’Étoile inspire à Dietrich Fischer-Dieskau un de ses plus beaux legatos – un violoncelle qui chante.
Deutsche Grammophon lui confia des pages choisies « in deutscher Sprache » des pages d’Otello, on croit vraiment que la tempête va engloutir Windgassen, une toute jeune Teresa Stratas est sa Desdemona, et d’autres d’Eugène Onéguine : le Lenski de Fritz Wunderlich ne peut s’oublier, pas plus que l’Onéguine amer, rongé de Fischer-Dieskau.
Un étourdissant album d’ouvertures, tout un disque Wagner centré autour de la Symphonie en ut, un généreux double album regroupant tout ce qu’Hugo Wolf aura composé pour l’orchestre, lieder partagés entre Evelyn Lear et Thomas Stewart, Sérénade italienne mais surtout Penthésilée, emporté en pure violence, voilà la part la plus connue d’un legs où brille un diamant absolu : cette Quatrième Symphonie de Brahms : les Berlinois s’y transcendent.
LE DISQUE DU JOUR
Otto Gerdes
Complete Recordings on Deutsche Grammophon
CD 1
Giuseppe Torelli (1658-1709)
Concerto en ré majeur, G. 28 « Estienne Roger »
Joseph Haydn (1732-1809)
Concerto en mi bémol majeur, Hob. VIIe:1
Georg Philipp Telemann (1681-1767)
Concerto en ré majeur, TWV 51:D7
Leopold Mozart (1719-1787)
Concerto en ré majeur, LMW IX:13 (version Seiffert)
Pierre Thibaud, trompette – Bamberger Symphoniker
CD 2
Antonín Dvořák (1841-1904)
Symphonie No. 9 en mi mineur, Op. 95, B. 178 « Du Nouveau monde »
Berliner Philharmoniker (1965)
CD 3
Johannes Brahms (1833-1897)
Symphonie No. 4 en mi mineur, Op. 98
Richard Wagner (1813-1883)
Die Meistersinger von Nürnberg, WWV 96 – Prélude de l’Acte I
Berliner Philharmoniker (1969)
CD 4
Richard Wagner (1813-1883)
Symphonie en ut majeur, WWV 29
Eine Faust-Ouvertüre, WWV 59
Rienzi, WWV 49 – Ouverture
Bamberger Symphoniker (1972)
Richard Wagner (1813-1883)
Lohengrin, WWV 75 – In fernem Land (Acte III)
Carl Maria von Weber (1786-1826)
Der Freischütz, Op. 77, J. 277 – Nein, länger trag’ ich …. Durch die Wälder (Acte I)
Cornelis van Dijk, ténor
CD 5
Hugo Wolf (1860-1903)
Italienische Serenade* (version pour orchestre de chambre)
Penthesilea. Poème symphonique
Goethe-Lieder (extraits : No. 9. Lied der Mignon « Kennst du das Land? » ; Nos. 1-3. Harfenspieler I, II, III* ; No. 49. Prometheus* – versions orchestrales)
Mörike-Lieder (extraits : No. 28. Gebet ; No. 30. Neue Liebe ; No. 31. Wo find’ ich Trost ; No. 44. Der Feuerreiter** – versions orchestrales)
Evelyn Lear, soprano – *Thomas Stewart – **Wiener Jeunesse-Chor – Siegfried Führlinger, koncertmeister – Wiener Symphoniker (1969)
CD 6. Ouvertures, Intermezzi & Musique de ballet (1954, 1959)
Œuvres de Pietro Mascagni (Cavalleria Rusticana)*, Ruggiero Leoncavallo (Pagliacci)*, Franz Schmidt (Notre Dame)*, Giuseppe Verdi (La forza del destino*, Aida**), Richard Wagner (Die Meistersinger von Nürnberg)*, Georges Bizet (Carmen)*, Wolfgang Amadeus Mozart (Die Zauberflöte)**, Carl Maria von Weber (Der Freischütz)**
*Rundfunk-Sinfonie-Orchester Leipzig
**Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin
CD 7
Giuseppe Verdi (1813-1901)
Otello (sélection)
Wolfgang Windgassen, ténor (Othello) – Teresa Stratas, soprano (Desdemona) – Dietrich Fischer-Dieskau, baryton (Jago) – Monika Piper-Albach, mezzo-soprano (Emilia) – Friedrich Lenz, ténor (Cassio, Rodrigo) – Valentin Dickhaut, basse (Lodovico) – Hans-Bruno Ernst, basse (Montano) – Chor der Bayerischen Staatsoper – Bayerisches Staatsorchester (1967)
CD 8
Piotr Ilyitch Tchaïkovski (1840-1893)
Eugene Onéguine, Op. 24, TH 5
Evelyn Lear, soprano (Tatjana) – Brigitte Fassbaender, contralto (Olga) – Dietrich Fischer-Dieskau, baryton (Eugene Onéguine) – Fritz Wunderlich, ténor (Lenski) – Martti Talvela, basse (Grémine) – Hans Marsch, basse (Un capitaine, Saretzki) – Chor der Bayerischen Staatsoper – Bayerisches Staatsorchester (1967)
CD 9-11
Richard Wagner (1813-1883)
Tannhäuser, WWV 70
Birgit Nilsson, soprano (Elisabeth, Venus) – Theo Adam, basse (Hermann) – Wolfgang Windgassen, ténor (Tannhäuser) – Dietrich Fischer-Dieskau, baryton (Wolfram Von Eschenbach) – Horst Laubenthal, ténor (Walther von der Vogelweide) – Klaus Hirte, baryton (Biterolf) – Friedrich Lenz, ténor (Heinrich der Schreiber) – Hans Sotin, baryton-basse (Reinmar von Zweter) – Caterina Alda, mezzo-soprano (Un jeune berger) – Chor und Orchester der Deutschen Oper Berlin (1969)
Un coffret de 11 CD du label Deutsche Grammophon 4844445 (Collection « Eloquence Australia »
Acheter l’album sur le site www.jpc.de ou sur Amazon.fr ― Télécharger ou écouter l’album en haute-définition sur Qobuz.com
Photo à la une : le chef d’orchestre et directeur artistique Otto Gerdes, à droite, avec le trompettiste Pierre Thibaud – Photo : © DR