Commencez par là où vous ne l’attendriez pas : lorsque Barry Tuckwell composa son disque Mozart pour Decca, il demanda à John Ogdon de tenir le piano pour les paradis du Quintette.
L’ogre barbu pouvait tout jouer, mais soudain l’entendre chez Mozart, dont il fut avare du moins au disque, rappelle sa technique limpide, capable d’un classicisme solaire, sa sonorité ample et naturellement chantante, et une technique qui préfère les timbres aux marteaux. Ce sera sa seule gravure pour Decca, et aussi tardivement qu’en 1983.
Ce ne sera pas la seule surprise de ce coffret dévolu aux gravures Argo du tournant des années 1960-1970, albums tenus pour marginaux face à l’abondante discographie engrangée pour His Master’s Voice : l’allégresse des Concertos de Mendelssohn – le mozartien la mineur avec les cordes, le double et son ton de sérénade avec Brenda Lucas – en sera une autre.
Les années Argo seront celles du duo qu’il forma avec son épouse, leur récital propose des raretés, Concerto pathétique de Liszt, de Schumann l’Andante et Variations et les très peu courues Etudes Op. 56 dans la proposition pianistique de Claude Debussy. Ils reviendront ensuite pour des Visions de l’Amen qui répondaient à la lecture magistrale des Vingt Regards sur l’Enfant Jésus patiemment enregistrées les deux années précédentes, manière de rappeler la dévotion d’Ogdon au répertoire du XXe siècle.
Le doublé parfait du Capriccio de Stravinski et du Premier Concerto de Chostakovitch – montrant l’alacrité, l’ironie, le mordant dont il était capable – dévoilent une autre facette de son art, l’Academy of St. Martin-in-the-Fields et Marriner fusant dans un même esprit de transparence et de persifflage, album trop souvent ignoré, enfin correctement réédité tout comme les disques Messiaen, que les précédentes et fugitives éditions en compact avaient ternis.
LE DISQUE DU JOUR
John Ogdon
The Argo Years
CD 1
Felix Mendelssohn Bartholdy (1809-1847)
Concerto pour deux pianos et orchestre en mi majeur, MWV O5
Concerto pour piano et cordes en la mineur, MWV O2
Brenda Lucas, piano II – Academy of St. Martin-in-the-Fields – Sir Neville Marriner, direction (1970)
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Quintette pour piano et cordes en mi bémol majeur, K. 452
Derek Wickens, hautbois – Robert Hill, clarinette – Martin Gatt, basson – Barry Tuckwell, cor (1983)
CD 2
Franz Liszt (1811-1886)
Concerto pathétique en mi mineur, S. 258/2 (version révisée, 1877)
Robert Schumann (1810-1856)
Andante & Variations, Op. 46
6 Studien in kanonischer Form, Op. 56 (version pour 2 pianos : Debussy)
Brenda Lucas, piano II (1972)
CD 3
Igor Stravinski (1882-1971)
Capriccio pour piano et orchestre, K050
Dimitri Chostakovitch (1906-1975)
Concerto pour piano, trompette et cordes No. 1 en ut mineur, Op. 35
John Wilbraham, trompette – Academy of St. Martin-in-the-Fields – Sir Neville Marriner, direction (1972)
CD 4-5
Olivier Messiaen (1908-1992)
Vingt Regards sur l’Enfant-Jésus
(1969)
CD 6
Olivier Messiaen (1908-1992)
Visions de l’Amen
Brenda Lucas, piano II (1971)
Un coffret de 6 CD du label Decca 484 6430 (Collection « Eloquence Australia »)
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Photo à la une : le pianiste John Ogdon avec son épouse Brenda Lucas – Photo : © DR