Les sonneries des cors du Fliegende Holländer résonnent, appelant le public à revenir dans l’antre, ce soir de l’été 1955 Joseph Keilberth réglait le plus noir des Vaisseau fantôme que le disque portera jamais, Hermann Uhde réunissant dans sa grande voix d’abîme la damnation d’Herbert Janssen et la folie de George London.
Une nouvelle ère commençait ici par anticipation, Hans Knappertsbusch prolongeant l’ancien monde avec la grand-messe de Parsifal, dont il abandonnait le théâtre sacré pour mieux distiller les venins de l’acte de Klingsor : Hermann Uhde, encore lui, mais surtout la Kundry de Martha Mödl, diseuse comme échappée d’un cabaret de Berlin, effrayante à force de réalisme, et le fol perdu de Wolfgang Windgassen où paraît par instants la folie de Tristan, et les clefs de fa blessées, Ludwig Weber, George London, Arnold Van Mill, tout un nouveau monde qui s’accrochait encore à l’ancien.
Ultime prolongation, Parsifal toujours et toujours officié par Hans Knappertsbusch, magnifié par une nouvelle prise de son en 1962 garderait encore l’Amfortas de George London, mais alentour tout a changé, et même la nature sonore de l’orchestre : Wolfgang Sawallisch avait tout éclairé le même été pour un Tannhäuser où éclatait l’Elisabeth d’Anja Silja, simple fille-fleur quelques jours avant. Wolfgang Sawallisch, et aussi Pierre Boulez pour ses premières incursions sur la Colline sacrée avant le Ring que l’on sait, auront renouvelé le son Bayreuth, l’animant au sens propre du terme, se souvenant peut-être des vertus mozartiennes tentées par Clemens Krauss.
Ce Tannhäuser sera historique, avec sa Venus noire (Grace Bumbry), son Wolfram beau gosse (Eberhard Wächter), Wolfgang Windgassen toujours, inoxydable mais un peu oxydé tout de même par le retour de Rome.
Karl Böhm, quatre ans plus tard, produira une révolution tout aussi considérable, et passée plutôt inaperçue : son Tristan und Isolde déromantisé, fulgurant, vertigineux, disait assez qu’un autre Bayreuth avait émergé avec les années soixante. Wolfgang Windgassen s’y surpassait, se brûlant à un Troisième Acte insensé, Birgit Nilsson laissait un portrait d’Isolde plus tourmenté qu’à son habitude, et dans la nuit vénéneuse du Deuxième Acte les avertissements de louve blessée de Christa Ludwig font pleurer cette Kundry qu’elle évita.
À la décennie suivante, une certaine magie anime encore ces Meistersinger que Silvio Varviso envole d’une baguette si élégante pour le Hans Sachs irrésistible de Karl Ridderbusch, mais les maîtres sont un peu pâles, et les femmes en retrait si l’on songe à celles des décennies précédentes.
Alors, revenez plutôt en arrière : reprenez le Fliegende Holländer de 1955, aussi pour la Senta d’Astrid Varnay, pour le Daland de Ludwig Weber, puis immergez-vous dans le Lohengrin de 1953 que Joseph Keilberth transforme en songe sombre : Astrid Varnay et Hermann Uhde ne feraient qu’une bouchée de l’Elisabeth exotique d’Eleanor Steber, quel Acte II !
Édition soignée pour ce coffret de trésors.
LE DISQUE DU JOUR
Richard Wagner (1813-1883)
Edition Bayreuther Festspiele
CD 1–4
Parsifal, WWV 111
George London, baryton (Amfortas) – Arnold van Mill, basse (Titurel) – Ludwig Weber, basse (Gurnemanz) – Wolfgang Windgassen, ténor (Parsifal) – Hermann Uhde, basse (Klingsor) – Martha Mödl, soprano (Kundry) – Walter Fritz, ténor (1. Gralsritter) – Werner Faulhaber, baryton (2. Gralsritter) – Hanna Ludwig, soprano (1. Knappe) – Elfriede Wild, mezzo-soprano (2. Knappe) – Günther Baldauf (3. Knappe), Gerhard Stolze (4. Knappe), ténors – etc. – Bayreuther Festspielchor-und Orchester – Hans Knappertsbusch, direction (1951)
CD 5–8
Lohengrin, WWV 75
Josef Greindl, basse (Heinrich der Vogler) – Wolfgang Windgassen, ténor (Lohengrin) – Eleanor Steber, soprano (Elsa von Brabant) – Hermann Uhde, baryton-basse (Friedrich von Telramund) – Astrid Varnay, soprano (Ortrud) – Hans Braun, baryton (Der Heerrufer des Königs) – Gerhard Stolze, Josef Janko, ténors – Alfons Herwig, Theo Adam, barytons-basses (Brabantische Edle) – Lotte Kiefer, Gerda Grasser, Erika Eskelsen, Roswitha Burow, sopranos (Edelknaben) – Bayreuther Festspielchor-und Orchester – Joseph Keilberth, direction (1953)
CD 9–10
Der fliegende Holländer, WWV 63
Astrid Varnay, soprano (Senta) – Elisabeth Schärtel, mezzo-soprano (Mary) – Rudolf Lustig, ténor (Erik) – Hermann Uhde, baryton-basse (Der Holländer) – Ludwig Weber, basse (Daland) – Josef Traxel, ténor (Der Steuermann) – Bayreuther Festspielchor-und Orchester – Joseph Keilberth, direction (1955)
CD 11–14
Parsifal, WWV 111
George London, baryton (Amfortas) – Martti Talvela, basse (Titurel) – Hans Hotter, basse (Gurnemanz) – Jess Thomas, ténor (Parsifal) – Gustav Neidlinger, basse (Klingsor) – Irene Dalis, soprano (Kundry) – Niels Møller, ténor (1. Gralsritter) – Gerd Nienstedt, baryton-basse (2. Gralsritter) – Soňa Červená, soprano (1. Knappe) – Ursula Boese, mezzo-soprano (2. Knappe) – Gerhard Stolze (3. Knappe), Georg Paskuda (4. Knappe), ténors – etc. – Bayreuther Festspielchor-und Orchester – Hans Knappertsbusch, direction (1962)
CD 15–17
Tannhäuser, WWV 70 (version Dresde)
Josef Greindl, basse (Hermann, Landgraf von Thüringen) – Wolfgang Windgassen, ténor (Tannhäuser) – Eberhard Wächter, baryton (Wolfram von Eschenbach) – Gerhard Stolze, ténor (Walther von der Vogelweide) – Franz Crass, basse (Biterolf) – Georg Paskuda, ténor (Heinrich der Schreiber) – Gerd Nienstedt, baryton-basse (Reinmar von Zweter) – Anja Silja, soprano (Elisabeth) – Grace Bumbry, mezzo-soprano (Venus) – Else-Margrete Gardelli, soprano (Ein junger Hirt) – Bayreuther Festspielchor-und Orchester – Wolfgang Sawallisch, direction (1962)
CD 18-20
Tristan und Isolde, WWV 90
Wolfgang Windgassen, ténor (Tristan) – Martti Talvela, basse (König Marke) – Birgit Nilsson, soprano (Isolde) – Eberhard Wächter, baryton (Kurwenal) – Claude Heater, baryton (Melot) – Christa Ludwig, mezzo-soprano (Brangäne) – Erwin Wohlfahrt, ténor (Ein Hirt) – Gerd Nienstedt, baryton-basse (Ein Steuermann) – Peter Schreier, ténor (Ein Junger Seemann) – Bayreuther Festspielchor-und Orchester – Karl Böhm, direction (1966)
CD 21–24
Die Meistersinger von Nürnberg, WWV 96
Karl Ridderbusch, basse (Hans Sachs) – Hans Sotin, basse (Veit Pogner) – Heribert Steinbach, ténor (Kunz Vogelgesang) – József Dene, baryton-basse (Konrad Nachtigall) – Klaus Hirte, baryton (Sixtus Beckmesser) – Gerd Nienstedt, baryton-basse (Fritz Kothner) – Robert Licha, ténor (Balthasar Zorn) – Wolf Appel, ténor (Ulrich Eisslinger) – Norbert Orth, ténor (Augustin Moser) – Heinz Feldhoff, basse (Hermann Ortel) – Hartmut Bauer, basse (Hans Schwarz) – Nikolaus Hillebrand, basse (Hans Foltz) – Jean Cox, ténor (Walther von Stolzing) – Frieder Stricker, ténor (David) – Hannelore Bode, soprano (Eva) – Anna Reynolds, mezzo-soprano (Magdalene) – Bernd Weikl, basse (Un veilleur de nuit) – Bayreuther Festspielchor-und Orchester – Silvio Varviso, direction (1974)
CD 25
Tristan und Isolde, WWV 90 (séance de répétition)
Karl Böhm, direction
Parsifal, WWV 111 (1962, documentaire audio)
Irene Dalis, George London
Un coffret de 25 CD du label Decca 4847580 (Collection « Eloquence Australia »)
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Photo à la une : le chef Joseph Keilberth – Photo : © DR