Au centre de ce nouveau volume de sa série Schubert+, le cinquième (j’ai suivi toute la série), Can Çakmur fait fulminer les Variations sur un thème original. Beethoven est la clef de voute du disque, et ce que Beethoven exigea de Schubert à mesure du temps qui passe, pour s’essayer à sa mesure. Propos audacieux qui exige de celui qui l’ose une vision. Il l’aura.
Innocemment (mais d’une innocence toute fausse), le pianiste turc ouvre par la petite Sonate en la majeur, ardant une protestation toute beethovénienne dans l’épisode central de l’Allegro moderato. Ce forte qui jaillit est comme celui qui dégonde les portes d’un nouveau monde dans les ultimes Sonates du compositeur (l’Opus 109).
Le Finale ne sera pas un ruban de salon. Can Çakmur y met comme une distance qui laisse admirer la beauté de son toucher sans la souligner. Les suspensions disent assez que ce Schubert est sous ces doigts très liedermeister.
Après les fureurs des Variations en ut mineur, logiquement le pianiste fait résonner l’héroïque grande Sonate, D. 958 dans la même tonalité. Elle ouvre le nouveau monde que vont parcourir les trois opus ultimes où Schubert à mesure se défera du modèle.
Tout un orchestre jaillit ici du piano au long d’un Allegro initial qui ose la violence. À mesure une touche lyrique gagne les autres mouvements qui vont vers la ténèbre, le Finale construira patiemment son hallucination, laissant l’auditeur au bord de l’abime. Fascinant voyage.
LE DISQUE DU JOUR
Franz Schubert (1797-1828)
Sonate pour piano [No. 13]
en la majeur, D. 664
Sonate pour piano [No. 19]
en ut mineur, D. 958
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
32 Variations sur un thème original en ut mineur,
WoO 80
Can Çakmur, piano
Un album du label BIS Records 2750
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Photo à la une : le pianiste Can Çakmur – Photo : © DR