Romantisme noir

L’immensité du Prélude semble la mer d’Iroise au repos, les cordes somptueuses des Bamberger enchantent ce conte noir où la passion distille des poisons. On est plus à l’opéra qu’au concert, et la Mort d’Isolde portée par un crescendo qui semble ne devoir jamais finir sonne, dans sa folle ivresse, comme l’aboutissement d’un drame auquel on croirait avoir assisté.

Opéra sans chanteurs, mais avec quel orchestre, que Jakub Hrůša fait flamboyer dans Totenfeier, qui deviendra à peine retouché le premier mouvement de la Résurrection. Un héros s’y dresse face au destin, prémices de la Sixième Symphonie. Là encore, l’espace semble immense, ouvert à l’infini, Jakub Hrůša ne pressant rien, maître du temps absolument, jusque dans l’éther d’un Adagietto qui a des teintes d’au-delà, manière de préluder au poème métaphysique de Richard Strauss.

Un autre opéra sans voix, dont le chef détaille les émotions de l’agonisant avec tendresse – les souvenirs de la première partie – ou terreur, puis élève l’âme, créant un troublant écho avec l’exaltation des dernières pages de la Mort d’Isolde.

Fil parfaitement tiré entre trois compositeurs plus proches qu’on ne le suppose.

LE DISQUE DU JOUR

Liebestod

Richard Wagner (1813-1883)
Tristan und Isolde, WWV 90 – Prélude et Mort d’Isolde
Gustav Mahler (1860-1911)
Totenfeier (1888)
Symphonie No. 5 (extrait :
IV. Adagietto)

Richard Strauss (1864-1949)
Tod und Verklärung, Op. 24, TrV 158

Bamberger Symphoniker
Jakub Hrůša, direction

Un album du label Accentus Music ACC30599
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Photo à la une : le chef d’orchestre Jakub Hrůša –
Photo : © DR