Deux mondes

Quel rapport entre la chanterelle onirique de Paweł Kochański et l’archet de feu de David Oïstrakh ? Aucun, pas plus qu’entre la brillante fantaisie un peu conte symboliste du Premier Concerto pour violon du jeune Prokofiev et l’œuvre au noir du Premier Concerto pour le même instrument composé en 1948 par Dmitri Chostakovitch alors parvenu au sommet de son art.

Pourtant Daniel Matejča et Tomáš Netopil osent la mise en regard, manière pour le violoniste de prouver qu’il peut être chez lui dans l’un et l’autre monde (ce que David Oïstrakh put aussi, même si son archet penchait plus naturellement vers le sombre de Chostakovitch).

L’archet léger enchante dès les premières mesures du Prokofiev, serti dans l’orchestre arachnéen tissé par Tomáš Netopil, pourtant il lui manque le piquant nécessaire dans le développement, un peu sage ; mais son Scherzo filé comme par la Reine Mab, l’onirisme des pages étranges qui ponctuent et referment le Finale remboursent des premières hésitations.

Contre toute attente les ténèbres de Chostakovitch les inspireront autrement : l’orchestre d’abord, si sombre, si acre, si impérieux dans la grande machinerie du Scherzo comme dans la proclamation funèbre de la Passacaille, mais le violoniste aussi, ouvrant sa sonorité vers le sombre, élargissant les phrasés, et allant au feu du Finale sans ciller.

Remarquable, à classer à Chostakovitch.

LE DISQUE DU JOUR

Sergei Prokofiev (1891-1953)
Concerto pour violon et
orchestre No. 1 en ré majeur, Op. 19

Dmitri Chostakovitch
(1906-1975)
Concerto pour violon et
orchestre No. 1 en la mineur, Op. 77

Daniel Matejča, violon
Orchestre Symphonique de la Radio de Prague
Tomáš Netopil, direction

Un album du label Supraphon SU 4390-2
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Photo à la une : le violoniste Daniel Matejča – Photo : © Peter Ganzgluck