Le contraste est voulu, entre l’intimité dolente de Dowland et les gestes expressifs de Purcell, Thomas Dunford étant chez lui dans l’univers du premier, si contingent à son instrument, le luth, mais aussi par une inclinaison naturelle vers la mélancolie. Il guide entre pièces instrumentales et songs Lea Desandre et ses amis instrumentistes dans un itinéraire parfait où la fragilité de la mezzo-soprano émeut.

Une pudeur tient la part Dowland dans une sorte de tristesse secrète qui ne s’oublie plus, l’autre face de cet album à la Janus est aussi éloquente. Chez Purcell il faut briller et émouvoir tout à la fois, et surprendre aussi : ceux qui s’étonneront du rythme de Strike The Viol auront tort, quel esprit de danse s’y invite, plus évident encore dans une merveilleuse Chaconne sur les pointes.

Si Lea Desandre semble comme impressionnée face à O Solitude (le souvenir de Deller ?), elle bouleverse dans O Let Me Weep qui semble un pré-écho à la mort de Didon, car le voyage chez Purcell se referme chez la Reine de Carthage. L’Ouverture parcourue d’une ombre déjà mélancolique, alors que les sorcières et les furies trouvent sans faille leurs visages dans le resserrement du petit ensemble instrumental, l’adresse de la Reine à sa suivante, sa mort même émeuvent par une simplicité, un fatalisme sans pathos.

Surprise !, en ouverture des Purcell entendre Huw Montague Rendall se joindre à la soprano et aux voix de Jupiter pour If Love’s a Sweet Passion. J’aurais aimé qu’il soit face à cette touchante Didon un fougueux Enée, demain peut-être… Refermant l’album, je retourne pourtant à Dowland, à Go Crystal Tears, ce diamant de tristesse….

LE DISQUE DU JOUR

Songs of Passion

John Dowland (ca.1563-1626)
First Book of Songs or Ayres (extraits : No. 1. Come again! Sweet love doth now invite ; No. 5. Can she excuse my wrongs? ; No. 6. Now, o now, I needs must part ; No. 9. Go crystal tears)
Lachrimae, or Seven Tears (extraits : No. 2. Lachrimae antiquae ; No. 10. Semper Dowland semper dolens ; No. 12. The King of Denmark’s galliard ;
No. 14. The Earl of Essex galliard)
A dream
Second Book of Songs or Ayres (extraits : No. 2. Flow my tears ; No. 3. Sorrow stay)
Frog Galliard

Henry Purcell (1659-1695)
The Fairy Queen, Z. 629 (extrait, Acte III : If Love’s a Sweet Passion ; extraits, Acte V : Chaconne, O let me weep, for ever weep ; extrait, Acte IV : Now the night is chased away)
Come, Ye Sons of Art Away, Z. 323 (extrait : No. 5. Strike the viol)
O solitude, my sweetest choice, Z. 406
An Evening Hymn on a Ground, Z. 193
Dido and Aeneas, Z. 626 (extraits : Overture, Ah! Belinda, Echo Dances of Furies, Thanks to These Lonesome Vales, The Witches’ Dance, Thy hand, Belinda … When I am laid in the earth)

Lea Desandre, mezzo-soprano
Huw Montague Rendall, baryton
Jupiter
Thomas Dunford, luth, direction musicale

Un album du label Warner Classics 50021732828453
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Photo à la une : Thomas Dunford et Lea Desandre – Photo : © Eric Nehr