La guerre fait rage, mais Vaughan Williams lui tourne le dos. Sa Cinquième Symphonie, d’autant plus après les tonnerres de la Quatrième (1931) où résonnaient les clairons et les canons à venir, est une pastorale inquiète, un univers entre chiens et loups dont la lyrique fuyante, l’orchestre en apesanteur, l’allure faussement rhapsodique (l’œuvre est une des plus savamment « construites » de son auteur) auront étonné les auditeurs de la création en 1943.
Cette partition tout emplie des paysages sonores britanniques capturait dans sa pastorale une partie de l’âme anglaise.
C’est peu qu’affirmer combien Sir Antonio Pappano a saisi le cœur secret de l’œuvre, en faisant chanter la lyrique douce-amère, prenant le temps de laisser sourdre les rais de lumière. « Schattenhaft » pourrait-on écrire au sujet du Scherzo, une des pages les plus étranges de son auteur, les Londoniens la jouent sur les pointes – merveilleux pupitres de bois – et le tempo laisse s’installer le misterioso noté par le compositeur. Romanza belle comme une prière pour les morts (ce recueillement…), Passacaille consolatrice et soudain muée en espérance, quelle tendresse dans tout cela jusque dans l’esprit de la danse, dans les clairons de l’hymne, puis soudain le petit concert des flûtes et des bois, comme une apparition magique ! L’œuvre est à nouveau comprise et offerte à un degré d’émotion qu’avait su y débusquer jadis Bryden Thomson.
La mise en regard avec la Neuvième Symphonie (1957) semblera une évidence, là encore Ralph Vaughan Williams cherche un point de sublimation, mais la ténèbre s’est étendue, le nouveau monde nucléarisé.
Pourtant après les propositions virtuoses de la Huitième Symphonie, l’éloquence de la Neuvième, son ton prophétique, ses échappées pastorales, ses accents tourmentés d’amertume, la finesse de son discours, son goût des ellipses nous ramènent en partie vers les paysages et les interrogations de la Cinquième. Pappano le souligne, sans oublier l’aspect orageux de bien des pages, et dans le Scherzo cette danse qui rappelle le brasier de The Sons of Light : le tout rend curieux de la suite du voyage du chef anglais chez Ralph Vaughan Williams.
LE DISQUE DU JOUR
Ralph Vaughan Williams (1872-1958)
Symphonie No. 5 en ré majeur
Symphonie No. 9 en mi mineur
London Symphony
Orchestra
Sir Antonio Pappano, direction
Un album du label LSO Live LSO0900
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Photo à la une : le chef d’orchestre Sir Antonio Pappano –
Photo : © Royal Opera House, London