Alors que je discutais avec Gianandrea Gavazzeni après la générale d’Adriana Lecouvreur à la Scala, résonna le nom d’un compositeur qui m’était totalement inconnu : Mario Pilati. Gavazzeni regrettait qu’il ait laissé inachevé un opéra. Quelques années plus tard, un superbe Quintette pour piano et cordes, enregistré par Aldo Ciccolini et ses amis me surprit en bien.
De Mario Pilati je ne devais plus rien savoir ensuite jusqu’au jour où Pierre-Yves Lascar m’annonça qu’il allait publier un enregistrement d’œuvres de Montemezzi et de Pizzetti transcrites pour quatre mains par celui qui fut le professeur du chef bergamasque.
Des transcriptions ? Des recréations plutôt. Qui connaît l’orchestre aussi touffu qu’évocateur mis en œuvre par Italo Montemezzi pour son poème symphonique d’après le roman de Bernardin de Saint-Pierre sera étonné par la puissance évocatrice de la proposition pianistique : elle ne cherche pas à emprisonner l’orchestre dans le noir et blanc du piano, mais propose des équivalences poétiques dont les raffinements tombent naturellement sous les doigts de Marcos Madrigal et Alessandro Stella.
Cette palette subtile doit beaucoup à un superbe Bechstein qui autorise un ambitus dynamique dont les nuances pianissimo semblent entendues en rêve. La relative nudité, les jeux de ligne de l’écriture minimaliste d’Ildebrando Pizzetti trouvent plus naturellement leur écho au piano, les deux amis profitant de la clarté du clavier pour faire résonner les étranges écritures en vitrail des Trois Préludes pour l’ »Œdipe Re » de Sophocle, mais ce sera le Concerto dell’estate qui gagnera une vigueur nouvelle dans le piano.
Mario Pilati y fait résonner l’esprit du concerto grosso qui permit au compositeur d’Assassinat dans la cathédrale de faire dialoguer les groupes instrumentaux au long d’une suite de paysages évocateurs. Ce que l’orchestre y diluait, le piano le resserre, dégageant l’essence poétique d’une oeuvre souvent réduite à l’illustration.
Ricordi commanda probablement à Mario Pilati ces transcriptions, s’attendait-il à recevoir des œuvres à part entière, éloignées de tout travail alimentaire ? Ecoutez seulement !
LE DISQUE DU JOUR
Ildebrando Pizzetti
(1880-1968)
Tre Preludi sinfonici per « Edipo Re » di Sofocle
Concerto dell’estate
Italo Montemezzi
(1875-1952)
Paolo e Virginia
versions pour piano à quatre mains par Mario Pilati
Marcos Madrigal, piano
Alessandro Stella, piano
Un album du label Artalinna ATL-A040
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Photo à la une : les pianistes Marcos Madrigal et Alessandro Stella – Photo : © Edouard Brane