Meisterwerke : Enesco, dix-huit printemps, délivre son chef-d’œuvre, au sens que lui donnaient les Compagnons. L’Octuor, qui s’élargit si aisément aux enchevêtrements plus complexes de l’orchestre de cordes, est un précipité du post-Romantisme et de la science contrapuntique des maîtres anciens.
La partition est un fabuleux lacis végétal en onze sections qui enchaînent extases harmoniques, paysages danubiens, chants de lautari stylisés, poèmes nocturnes et danses esquissées, pour culminer dans le tourbillon suicidaire d’une valse où passe la musique d’un monde à venir : celui de la Seconde École de Vienne.
L’Octuor est une œuvre presciente, une prémonition en musique, ce que l’espace supplémentaire de l’orchestre fait surgir, c’est une fantasque « Kammersymphonie » dont Resonanz donne à entendre l’étrange modernité : mesure à mesure les masques tombent, rappelant qu’un nouveau siècle vient de s’ouvrir. Tout le langage d’Enesco y est en germe, mais sa grammaire déjà totalement formée.
Cette sève juvénile fait un éloquent contraste avec l’entre-chien-et-loup du Lachrymae composé par Benjamin Britten réchappé de sa première mort et sachant la seconde, et la vraie, si proche. Méditation douloureuse, comme égarée en équilibre instable sur le mince fil emprunté à Dowland, œuvre toujours suspendue au-dessus de l’abîme. Tabea Zimmermann en scrute la ténébreuse mélancolie, son archet joue les fantômes, Resonanz n’est que nuit et brouillard, rendant le sinistre beau au possible.
LE DISQUE DU JOUR
Georges Enesco (1881-1955)
Octuor à cordes en ut majeur, Op. 7 (version pour orchestre à cordes)
Benjamin Britten (1913-1976)
Lachrymae. Reflections on
a song by Dowland, Op. 48a (version pour alto et orchestra à cordes)
Tabea Zimmermann, alto
Ensemble Resonanz
Un album du label harmonia mundi HMM 902737
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Photo à la une : l’altiste Tabea Zimmermann – Photo : © Marco Borggreve