Elles eurent le même professeur, Roy Henderson, le Figaro de Fritz Busch à Glyndebourne, pourtant elles furent le feu et l’eau. Aafje Heynis s’opposait en tout à Kathleen Ferrier. Aussi contralto qu’elle, la lumière de son timbre contrastait avec les abysses de l’Anglaise ; leur répertoire se croisa plus qu’on croit.
Mahler fut l’aboutissement de l’Anglaise, mais Bernard Haitink demandera à Aafje Heynis l’alto de la Résurrection, et elle tenta aussi Das Lied von der Erde : l’écho d’un concert avec Antal Dorati à Londres finira bien par émerger. Bach sera toujours dans la voix de Ferrier, il forme l’essence de l’art de la Néerlandaise, chanteuse d’église elle aussi d’abord ; elle le sera restée, préférant le concert, ignorant l’opéra au contraire de Kathleen Ferrier qui s’y risquera, Lucretia, Orfeo. Pourtant Aafje Heynis elle-même, pour le disque, sera aussi Orfeo, et quel !, mais un Orfeo liedersänger, nuance cruciale. Toujours une distance, une abstraction.

Où se croisèrent-elles encore ? Arias de Bach et de Haendel, qui les font soudain si proches par la poésie, la concentration, Rhapsodie de Brahms au printemps déchirant chez l’une comme chez l’autre, Quatre Chants sérieux portés par la même spiritualité si éloquente, surtout les British Folksongs, que Ferrier éparpilla dans ses récitals, mais que Heynis regroupa en un microsillon avant d’en consacrer un second aux chants populaires néerlandais.
Ce qu’Aafje Heynis n’anticipa probablement pas fut la fascination qu’elle suscita chez les contre-ténors. Son timbre androgyne l’y aida malgré elle, et sa dévotion pour le répertoire baroque, qui était son pain quotidien, cette volonté aussi de ne pas souligner, de garder toujours cette ligne instrumentale qui rend son art si singulier.
Tous ses disques, sinon le sublime album Vivaldi, perdu dans les limbes d’un éditeur italien aux abonnés absents, sont enfin réunis ici, les Philips/Decca comme les His Master’s Voice, je sais que la somme est attendue, on la trouvera ici enfin restituée avec tous les soins nécessaires, le livret présentant des documents photographiques rares qui mettent un visage sur cette voix radieuse malgré elle.
Par où commencer ? Chez Christian Ritter ; écoutez O amantissime sponse Jesu.
LE DISQUE DU JOUR
CD 1
Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Cantate « Gott soll allein mein Herze haben », BWV 169
Cantate « Vergnügte Ruh’, beliebte Seelenlust », BWV 170*
Koor Nederlandse Bachvereniging – Netherlands Chamber Orchestra –
Anton van der Horst, *Szymon Goldberg, direction
CD 2. Bach & Handel Arias
Airs de Johann Sebastian Bach (Matthäus-Passion, Johannes-Passion, Messe en si mineur, Weihnachts-Oratorium, Cantates BWV 108 & 34) et Georg Friedrich Haendel (Judas Maccabaeus, Samson, Messiah)
Wiener Symphoniker – Hans Gillesberger, direction
CD 3
Georg Friedrich Haendel (1685-1759)
Dettingen Te Deum en ré majeur, HWV 283
Annette de la Bije, soprano – Arjan Blanken, ténor – David Hollestelle, baryton – Netherlands Bach Society – Anton van der Horst, direction
Christian Ritter (ca. 1645-ca.1725)
O amantissime sponse Jesu
Netherlands Chamber Orchestra – Albert De Klerk, orgue
CD 4
Georg Friedrich Haendel (1685-1759)
Dixit Dominus, HWV 232
Helen Donath, soprano I – Trudy Koeleman, soprano II – Gerard van Dolder, ténor – David Hollestelle, baryton – NCRV Vocaal Ensemble – Amsterdam Chamber Orchestra – Marinus Voorberg, direction (1970)
Sacred Songs
Charles Gounod (Ave Maria, CG 89a*°), César Franck (Panis angelicus, CFF 209**°), Siegfried Ochs (Dank sei dir, Herr***), Gottfried Heinrich Stölzel (Bist du bei mir***), Georg Friedrich Haendel (Frondi tenere … Ombra mai fù***), Franz Schubert (Ellens Gesang III, D. 839)
*Meindert Boekel, orgue – **Simon C. Jansen, orgue – ***Pierre Palla, orgue – °°Pierre Palla, piano – °Pro Musica Choir – °Lex Karsemeijer, direction (*1959, **1960, ***1959 & °°1956)
CD 5
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Symphonie No. 9 en ré mineur, Op. 125 « Chorale »
Hilde Güden, soprano – Fritz Uhl, ténor – Heinz Rehfuss, baryton – Oratorion Chor Karlsruhe – Orchestre des Concerts Lamoureux – Igor Markevitch, direction (1961)
Johannes Brahms (1833-1897)
Rhapsodie pour contralto, chœur d’hommes et orchestre, Op. 53
Wiener Singverein – Wiener Symphoniker – Wolfgang Sawallisch, direction (1962)
CD 6 :
Franz Schubert (1797-1828)
Rosamunde, D. 797
Netherlands Radio Chorus – Concertgebouw Orchestra – Bernard Haitink, direction (1965)
Johannes Brahms (1833-1897)
Rhapsodie pour contralto, chœur d’hommes et orchestre, Op. 53
Royal Male Choir « Apollo » – Concertgebouw Orchestra – Eduard van Beinum, direction (1958)
CD 7 :
Gustav Mahler (1860-1911)
Symphonie No. 2 « Résurrection »
Elly Ameling, soprano – Netherlands Radio Chorus – Concertgebouw Orchestra – Bernard Haitink, direction (1968)
CD 8 :
Christoph Willibald Gluck (1714-1787)
Orfeo ed Euridice, Wq. 30 (version italienne, 1762) – Airs et Chœurs
Toonkunstkoor Amsterdam – Amsterdam Philharmonic Orchestra – Anton Kersjes, direction (1973)
CD 9. Songs with Organ
Georg Friedrich Händel (1785-1759)
Alcina, HWV 34 (extrait : Aria “Verdi prati”)
Joseph Haydn (1732-1809)
Stabat Mater, Hob. XXa:1 (extrait : IX. Fac me vere tecum flere)
Johannes Brahms (1833-1897)
Herzlich tut mich verlangen (No. 10, extrait des „11 Préludes de Choral, Op. 122)
Antonín Dvořák (1841-1904)
Chants bibliques, Op. 99, B. 185 (4 extraits : Nos. 4, 5, 8 & 10)
César Franck (1822-1890)
La procession, CFF 160
Nocturne. O fraîche nuit!, CFF 156
Charles Tournemire (1870-1939)
L’Orgue mystique – Cycle après la Pentecôte, Op. 57, Office No.49 Dominica XXI (3 extraits : I. Prélude à l’endroit ; III. Elévation ; IV. Communion)
André Caplet (1878-1925)
Les prières
Albert de Klerk, piano (1972)
Johannes Brahms (1833-1897)
Vier ernste Gesänge, Op. 121
Johan van den Boogert, piano (1959)
CD 10. Lieder Recital
Johannes Brahms (1833-1897)
Vier ernste Gesänge, Op. 121
5 Lieder, Op. 94 (extrait : No. 4. Sapphische Ode)
Franz Schubert (1797-1828)
Auf der Donau, D. 553
Am Bach im Frühling, D. 361
Der Tod und das Mädchen, D. 531
Richard Strauss (1864-1949)
8 Gedichte aus „Letzte Blätter“, Op. 10, TrV 141 (2 extraits : No. 1. Zueignung ; No. 3. Die Nacht)
4 Lieder, Op. 27, TrV 170 (2 extraits : No. 4. Morgen ; No. 3. Heimliche Aufforderung)
Hugo Wolf (1860-1903)
Spanisches Liederbuch (2 extraits : No. 3. Nun wandre, Maria ; No. 6. Ach, des Knaben augen)
Gustav Mahler (1860-1911)
Des Knaben Wunderhorn (extrait : No. 5. Das irdische Leben)
Lieder und Gesänge aus der Jugendzeit, Volume II (extrait : No. 9. Starke Einbildungskraft)
Irwin Gage, piano (1971)
Antonín Dvořák (1841-1904)
Mélodies tziganes, Op. 55, B. 104
Felix de Nobel, piano (1962)
CD 11
Chants anciens populaires néerlandais
Felix de Nobel, piano (1965)
CD 12
Chants populaires britanniques
Felix de Nobel, piano (1960, 1961)
CD 13. Sacred Songs for Easter and the Resurrection
Johann Wolfgang Franck (1644-1710)
Jesus neigt sein Haupt und stirbt
Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Es ist volbracht! Vergiss ja nicht dies Wort, BWV 458
So gehst du nun, mein Jesu hin, BWV 500
Jesus, unser Trost und Leben, BWV 475
℗ 1957
Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Auf auf! Mein Herz mit Freuden, BWV 441
Mein Jesu, was für Seelenweh, BWV 487
Mit Freuden zart
Heut triumphieret Gottes Sohn, BWV 630
℗ 1960
Œuvres de Johann Schop, Johannes Gijsbertus Bastiaans, et autres Anonymes
℗ 1959
Œuvres de Cornelis de Pauw, Johannes Gijsbertus Bastiaans, William Croft, Heinrich Carl Breidenstein, H.A. Bruining, et autres Anonymes
℗ 1961
Simon C. Jansen, orgue
CD 14. Christmas Songs
Chants pour le temps de Noël,
composés par Albert de Kerk (4), ou traditionnels néerlandais (18) et britanniques (6)
Simon C. Jansen, orgue (1958, 1965)
Aafje Heynis, contralto
Un coffret de 14 CD du label Decca 4842104 (Collection Eloquence Australia)
Acheter l’album sur le site du label www.jpc.de ou sur Amazon.fr ― Télécharger ou écouter les albums en haute qualité sur Qobuz.com
Photo à la une : la contralto Aafje Heynis – Photo : © DR
