Une lecture laser de la Musique pour cordes, célesta et percussion rappelle, à la quasi-fin du voyage discographique monophonique de Sir Adrian Boult, qu’il fut en Albion le parangon des Modernes, y créant Wozzeck, Doktor Faust et quantité d’autres partitions, d’auteurs anglais ou non.
Cela peut étonner, surtout de notre côté de la Manche où les disques de Boult passèrent longtemps pour un rien académiques, ce que sa fine stature, sa baguette économe, et sa moustache si british confirmaient contre les fulgurances d’une direction qui n’oubliait jamais une clarté absolue.
Laser disais-je, son premier cycle Brahms, si impérieux, n’en laisse pas une note dans l’ombre, et la prise de son sèche, quasi toscaninienne, des ingénieurs de Pye s’accorde à cette vision parfois anguleuse. Même sous un nom d’emprunt, il y dirige bien son Orchestre Philharmonique de Londres. Sommet de ces sessions, l’anthologie des poèmes symphoniques de Sibelius, dont le caractère visionnaire n’a rien à envier aux gravures contemporaines de Sir Thomas Beecham. Elles font regretter qu’il n’ait pas gravé les Symphonies (un enregistrement en concert de la Septième avec la BBC a été publiée par BBC Legends/ICA).
On glanera dans les Pye de fabuleuses Ouvertures de Mendelssohn, et aussi une Ecossaise, une Italienne, une deuxième gravure de la Grande de Schubert, tôt associée à son art, et le définissant : rigueur, motricité, précision, un vrai antiromantique qui avait digéré l’exemple de Nikisch pour n’en garder que cette vertu première : le drive.
Pourtant l’apport majeur de cette belle boîte reste les gravures du temps du 78 tours, datant majoritairement de ses années de la BBC, patiemment traquées par Philippe Pauly. Aucune ne manque, et plusieurs ont cet impact physique que les luxes des prises de son moderne auront tendance à élimer. Les fameuses Planets du Corn Exchange de Blackford évidemment, mais écoutez aussi Job, dont l’encre semble à peine sèche, et le tsunami des Océanides.
Ouvrir la boîte de Pandore de 78 tours vous immerge dans le « son Boult », un orchestre de lave, qui ne craint ni la violence ni l’exaltation. Quelle ivresse dans le Finale de la gravure princeps de la 9e de Schubert, dans la furia du Carnaval romain, dans l’exultation du Prélude des Meistersinger.
Les premières gravures pour les œuvres d’Elgar, si prestes, si passionnées, rappellent que le compositeur du Dream sut très tôt que Boult serait mieux que son interprète, un autre lui-même, leurs confessions respectives les mettant à part de la société anglicane, assurant une compréhension mutuelle qui dépassait le strict plan musical.
Des trésors à la pelle donc côté 78 tours, et plutôt bien réédités alors que les reports des disques des années Pye auraient gagné à plus d’aération, il seront l’apport décisif de cette belle boîte où les 78 tours HMV les plus célèbres ne sonnent pas mieux qu’en d’autres repiquages : Schnabel pas dans son meilleur jour pour le Deuxième de Brahms, Backhaus autrement convainquant dans le Premier, Solomon sublime pour le Troisième de Beethoven et remarquable dans le Concerto de Bliss, les faces plus rares conservent en tous cas deux merveilles au rayon Mozart : une Jupiter solaire et un Troisième Concerto où chasse et musarde le cor français d’Aubrey Brain, le père de Dennis.
Perle noire du temps du microsillon, le Concerto de Sibelius avec Yehudi Menuhin ne laissait pas espérer la révélation de quatre inédits qui s’ajoutent à la discographie du violoniste : compléments probables à sa plus passionnée lecture du Poème de Chausson, au chapitre Saint-Saëns le brio de l’Introduction et Rondo Capriccioso, les charmes incendiaires de sa Havanaise, même le chant têtu déployé dans le Concerto en la mineur de Bach cèdent le pas devant une Deuxième Rhapsodie de Bartók âpre, vraie musique de lautari pour un village imaginaire.
La somme stéréophonique, qu’on croit mieux connaître, réservera-t-elle autant de surprises ?
LE DISQUE DU JOUR
Sir Adrian Boult, chef d’orchestre
The MONO Recordings on HMV, Pye, Nixa & Parlophone
1920-1957
BEETHOVEN
Symphonies Nos. 1 & 8, Concerto pour piano No. 3, Ouverture « Coriolan » Op. 62, Ouverture « Egmont » Op. 84, Die Ruinen von Athen Op. 113 (Ouverture, Marcia alla turca)
BRAHMS
Symphonies Nos. 1-4, Concertos pour piano Nos. 1 & 2, Variations Haydn Op. 56a, Akademische Festouvertüre Op. 80 (2 versions), Ouverture tragique Op. 81 (2 versions), Danses hongroises WoO 1 Nos. 1-21, Rhapsodie pour contralto Op. 53
ELGAR
Symphonies Nos. 1 & 2, Concerto pour violoncelle Op. 85, Variations « Enigma » Op. 36 (2 versions), Falstaff, Froissart-Ouverture, Fantasie & Fuge en ut mineur Op. 86 (d’après Bach BWV 537), Dream Children Op. 43, Nursery-Suite, Funeral March (d’après Chopin Op. 35), Imperial March Op. 32, In the South Op. 50, Introduction & Allegro Op. 57, Pomp and Circumstances Op. 39, Sospiri Op. 70, The Dream of Gerontius (Prelude), The Wand of Youth – Suite No. 1
HÄNDEL
Musique pour les feux d’artifices royaux, Water Music Suites Nos. 1 & 2
HAYDN
Concerto pour violoncelle No. 2, Deutsche Tänze Nos. 1, 6, 7 Hob. 9 Anh.
MENDELSSOHN-BARTHOLDY
Ein Sommernachtstraum Op. 61, Symphonies Nos. 3 & 4 (No. 3 en 2 versions), Meeresstille und glückliche Fahrt Op. 27, Die schöne Melusine Op. 32, Ruy Blas – Ouverture Op. 95 (2 versions), Les Hébrides Op. 26 (2 versions), Concerto pour violon en ré mineur MWV 3
MOZART
Symphonies Nos. 32 & 41, Concerto KV 365 pour 2 pianos et orchestre, Concerto pour cor No. 3, Cosi fan tutte – Ouverture, Der Schauspieldirektor – Ouverture
SAINT-SAËNS
Introduction et Rondo capriccioso Op. 28, Havanaise Op. 83, Bacchanale de « Samson et Dalila »
SIBELIUS
Concerto pour violon Op. 47, En Saga Op. 9, Finlandia Op. 26, Le Cygne de Tuonela, Le retour de Lemminkainen, Chevauchée nocturne et lever de soleil Op. 55 (2 versions), La Fille de Pohjola Op. 49, Romance pour cordes, Tapiola Op. 112, Le Barde Op. 64, Les Océanides Op. 73 (2 versions), Prélude de « La Tempête »
TCHAIKOVSKI
Concerto pour piano No. 1, Capriccio italien, Polonaise d’ « Eugène Onéguine », Marche slave Op. 31, Sérénade pour cordes Op. 48
VAUGHAN WILLIAMS
Symphonie No. 6, The Lark Ascending, Concerto accademico en ré mineur, Fantasia on a Theme by Thomas Tallis (2 versions), Fantasia on Greensleeves, Job – A Masque for Dancing, Norfolk Rhapsody No. 1, Serenade to Music (version avec chœur), Flos campi, English Folk Song – Suite, A Song of Thanksgiving
WAGNER
Die Meistersinger von Nürnberg – Prélude (Acte I), Enchantement du Vendredi Saint – Parsifal, Tristan und Isolde – Prélude (Ace I)
WALTON
Belshazzar’s Feast, Crown Imperial, Portsmouth Point Overture
ARNE Rule Britannia
AUBER La Muette de Portici – Ouverture
C. P. E. BACH Symphonie en fa majeur, Wq. 183/ 3, H. 665
J. C. BACH Concerto pour piano en la majeur (Allegro)
J. S. BACH Suite orchestrale (Ouverture) No. 3, Concerto pour violon BWV 1041, Concerto BWV 1061 pour 2 claviers, Partita No. 3 BWV 1006 (Prélude, version pour orchestre)
BARTÓK Rhapsodie No. 2 pour violon et orchestre, Musique pour cordes, percussion et célesta, Divertimento pour cordes
BERLIOZ Le Carnaval romain Op. 9, Le Roi Lear Op. 4, Les Francs-juges Op. 3
BLISS Music for Strings Op. 54, Concerto pour piano en si bémol majeur Op. 58, Route pour voix et orchestre
BORODINE Danses polovtsiennes du « Prince Igor »
BUTTERWORTH A Shropshire Lad
CHAUSSON Poème Op. 25
DELIBES Coppelia – Suite de ballet, Valse de « La Source »,
Sylvia – Suite de ballet
GLUCK Alceste – Ouverture
HOLST The Planets
HUMPERDINCK Hänsel und Gretel (extraits)
LIADOV Kikimora
MEYERBEER Marche du couronnement, extrait de « Le Prophète »
MONN Concerto pour violoncelle en sol mineur (Allegro)
NICOLAI Les Joyeuses commères de Windsor – Ouverture
PARRY Blest Pair of Sirens
PURCELL Hail, Bright Cecilia, Z. 328 (V. Chorus, « Soul of the World »)
RESPIGHI La Boutique fantasque – Ballet (d’après Rossini)
SCHUBERT Symphonie No. 9 en ut majeur, D. 944 « Grande » (2 versions)
SCHUMANN Manfred, Op. 115 – Ouverture
SIMPSON Symphonie No. 1
SMYTH Entente Cordiale (2 extraits), Fête galante (Minuet),
The Boatswain’s Mate (Intermezzo)
STAMITZ Sinfonia « La Melodia Germanica » [No. 2] en mi bémol majeur, Op. 11 No. 3
SUPPE Boccaccio – Ouverture, Dichter und Bauer – Ouverture,
Die schöne Galathee – Ouverture, Ein Morgen, ein Mittag und ein Abend in Wien – Ouverture, Fatinitza – Ouverture, Leichte Kavallerie – Ouverture (2 versions)
TOMMASINI Le Donne di buon umore – Suite de ballet (d’après
D. Scarlatti)
VIVALDI Concerto pour violon et cordes, RV 180 « Il piacere »
WEBER Der Freischütz Op. 77 – Ouverture, Euryanthe Op. 81 – Ouverture
WOLF Italienische Serenade
TRADITIONALS God save the Queen; The British Grenadiers
BBC Symphony Orchestra
London Philharmonic Orchestra
Philharmonia Orchestra
British Symphony Orchestra
London Symphony Orchestra
Royal Festival Orchestra
Royal Liverpool Philharmonic Orchestra
Un coffret de 36 CD du label Warner Classics 5021732584984
Acheter l’album sur le site www.jpc.de ou sur Amazon.fr
Photo à la une : le chef d’orchestre Sir Adrian Boult –
Photo : © Hulton Deutsch