La magicienne oubliée

Retrouvée plutôt ! Ruth Gipps resta longtemps un nom même pour les mélomanes de l’Angleterre du début du XXIe siècle, avant que Douglas Bostock révèle au disque sa Deuxième Symphonie.

Soudain, un compositeur d’importance paraissait, finalement Rumon Gamba et Chandos continuent aujourd’hui d’explorer sa fabuleuse œuvre d’orchestre : j’avais attiré l’attention des lecteurs de Discophilia sur le dernier volume paru (voir ici), les deux précédents comportaient un ensemble de premières gravures au disque qui laissent songeur.

Comment des partitions aussi inspirées ont-elles pu rester dans la poussière des bibliothèques ? Le cocorico saisissant qui introduit l’Ouverture pour Chanticleer, projet d’opéra abandonné, dit assez son ingéniosité d’orchestrateur et rend nostalgique de ce qu’elle aurait pu tirer de la pièce d’Edmond Rostand.

La grande pastorale intime du Concerto pour hautbois si finement retranscrit par Juliana Koch jusque dans la gigue finale, l’instrument de prédilection de Gipps qui en fut une virtuose, a un petit côté Finzi, alors que le brio du Concerto pour cor, écrit à l’intention de son corniste de fils, splendidement enlevé par Martin Owen rend inexplicable son absence au répertoire des virtuoses de l’instrument.

Saisissante retranscription sonore de l’aquarelle de William Blake, Death on a the Pale Horse rappelle que Ruth Gipps se fit un nom autant par ses « tableaux sonores » que par la Première Symphonie, partition de guerre créée par George Weldon après la fin du conflit, le compositeur tenant le cor anglais, omniprésent au long de cette partition singulière où la guerre ne paraît qu’à la marge, dans le tempo di marcia récurrent au long du Finale.

L’œuvre a des allures de pastorale, son écriture fluide montre une maîtrise millimétrée de toutes les ressources de l’orchestre, elle est pénétrée de folksongs à l’image de l’art de son mentor, Ralph Vaughan Williams. Autrement sombre, la Troisième Symphonie de 1965 serait-elle son chef-d’œuvre ? Près de quarante minutes d’une musique audacieuse, centrée sur un remarquable Theme & Variations, assorti d’un étrange Scherzo féérique, partition fascinante, comme ouverte sur des horizons que la Quatrième Symphonie n’explorera pas totalement. Rumon Gumba et le BBC Philharmonic en rendent toutes les complexes beautés, héros d’une série qui rend sa place à Ruth Gibbs au panthéon de la musique britannique du XXe siècle.

LE DISQUE DU JOUR

Ruth Gipps (1921-1999)
Orchestral Works,
Volume 2

Chanticleer Overture, Op. 28
Concerto pour hautbois et orchestre en ré mineur, Op. 20
Death on the Pale Horse,
Op. 25

Symphonie No. 3, Op. 57

Juliana Koch, hautbois
BBC Philharmonic
Rumon Gamba, direction

Un album du label Chandos CHAN 20161
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Ruth Gipps (1921-1999)
Orchestral Works, Volume 3

Coronation Procession, Op. 41
Ambarvalia (A Dance),
Op. 70

Concerto pour cor et orchestre,
Op. 58

Cringlemire Garden
(An Impression pour orchestre à cordes), Op. 39

Symphonie No. 1 en fa mineur, Op. 22
Martin Owen, cor
BBC Philharmonic
Rumon Gamba, direction

Un album du label Chandos CHAN 20284
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Photo à la une : la compositrice Ruth Gipps répète au Royal Festival Hall, en 1957 – Photo : © Douglas Miller