Leurs sonorités peuvent-elle s’épouser ? Lorsque Murray Perahia et Radu Lupu se risquèrent à la Fantaisie, l’un ombrait l’autre, les deux chantaient et sur le même clavier posaient deux univers qu’il fallait rejoindre. L’alchimie, complexe, s’avéra assez fabuleuse.
Bertrand Chamayou et Leif Ove Andsnes n’auront pas eu ce souci d’accord ; leurs pianismes pleins, francs, sont assez semblables, mais pas au point de ne faire qu’un. Leur accord est d’ailleurs autre, il se réalise dans la hauteur certaine d’une conception emplie de rigueur, élevant plus un tombeau éloquent aux opus de l’ultime année, que, pour la Fantaisie surtout, ce voyage parcouru d’hallucinations que fut l’ultime enregistrement paru de Maurizio Pollini avec son fils Daniele (voir ici).
Les visions seront pour un Lebenstürme assez fabuleux, Bertrand Chamayou prenant le primo, à vrai dire la plus saisissante proposition que j’en ai entendue depuis l’ancien microsillon de Paul Badura-Skoda et Jörg Demus.
La Fugue est anecdote, le Rondo comme un regard en arrière vers le Schubert tendre, tous deux joués un peu surveillés, pas moins admirables en cela, mais l’album reste prisonnier de 1828 : comme j’aurais aimé les entendre dans le Divertissement à la hongroise !
LE DISQUE DU JOUR
Franz Schubert (1797-1828)
Fantaisie pour piano 4 mains en fa mineur, D. 940
Allegro pour piano 4 mains
en la mineur, D. 947 « Lebensstürme »
Fugue pour piano 4 mains
en mi mineur, D. 952
Rondo pour piano 4 mains
en la majeur, D. 951
Bertrand Chamayou, piano
Leif Ove Andsnes, piano
Un album du label Erato 5021732965783
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Photo à la une : les pianistes Bertrand Chamayou et Leif Ove Andsnes – Photo : © Paul Marc Mitchell