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Liberté

Emmanuel François, l’altiste des quatre amis, est l’auteur de la perle de l’album : sa transcription à la fois libre et fidèle de la Petite Suite de Debussy, toute de tendresse et d’humour, suffirait à recommander ce disque audacieux où le Quatuor Van Kuijk se fait plaisir et nous fait plaisir.

Ils ont demandé à deux amis, Jean-Christophe Masson et Gildas Guillon, de leur adapter un grand bouquet de mélodies prises à Fauré, Satie, Poulenc.

Pour celles de ce dernier, c’est merveille, de la tristesse de C à la sensualité d’Hôtel, du chaloupé des Chemins de l’amour à la canaillerie des Fêtes galantes, on ne regrette jamais la voix, encore moins le piano, l’esprit est dans les cordes, comme le seront les mélodies plus sombres de Fauré, et évidemment l’humour l’air de rien de Je te veux. Si Satie avait entendu cela, il aurait souri dans sa barbichette.

Subtile, allégée, rêveuse plutôt que funèbre, la Pavane pour une infante défunte reste plus ravélienne qu’en bien des propositions pianistiques, les portraits minutes composés par Baptiste Trotignon pour faire contrepoint dans ce parcours libre sont bien vus, surtout celui dévolu à Maurice Ravel, même s’ils provoquent lors de la première écoute un étrange décalage.

LE DISQUE DU JOUR

Impressions parisiennes

Francis Poulenc (1899-1963)
2 Poèmes de Louis Aragon,
FP 122 (version pour quatuor à cordes : Jean-Christophe Masson)

Fiançailles pour rire, FP 101 (extrait : No. 6. Fleurs ; version pour quatuor à cordes : Jean-Christophe Masson)
Les chemins de l’amour,
FP 106 (version pour quatuor à cordes : Jean-Christophe Masson)

Banalités, FP 107 (extrait : No. 2. Hôtel ; version pour quatuor à cordes : Jean-Christophe Masson)
Fancy, FP 174 (version pour quatuor à cordes : Jean-Christophe Masson)
Baptiste Trotignon (né en 1974)
Ces Messieurs
Maurice Ravel (1862-1918)
Pavane pour une infante défunte, M. 19 (version pour quatuor à cordes :
Gildas Guillon)

Erik Satie (1866-1925)
Je te veux (version pour quatuor à cordes : Gildas Guillon)
Claude Debussy (1862-1918)
Petite suite, CD 71 (version pour quatuor à cordes : Emmanuel François)
Gabriel Fauré (1845-1924)
3 Mélodies, Op. 23 (extrait : No. 1. Les berceaux ; version pour quatuor à cordes : Gildas Guillon)
2 Mélodies, Op. 46 (extrait : No. 2. Clair de lune ; version pour quatuor à cordes : Gildas Guillon)
3 Mélodies, Op. 7 (extrait : No. 1. Après un rêve ; version pour quatuor à cordes : Gildas Guillon)
5 Mélodies, Op. 58 (extrait : No. 1. Mandoline ; version pour quatuor à cordes : Gildas Guillon)

Quatuor Van Kuijk

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Photo à la une : les membres du Quatuor Van Kuijk – Photo : © Sylvain Gripoix

Les deux Pologne

Admirable la Sonate en si selon Jonathan Fournel, l’élégance et le feu, la main gauche impérieuse, le chant dit haut, la lumière même du Steinway font son Chopin d’une intense autorité sans pourtant oublier la ligne classique qu’y entendait jadis Dinu Lipatti. Le modèle certes était posé, mais le jeune homme y ajoute son propre clavier, où les polyphonies dansent, s’exaltent, s’envolent.

Pourtant, aussi fabuleuse que soit sa Sonate de Chopin, ce sont d’abord les deux cahiers de Variations de Szymanowski qui me feront ranger le disque à l’auteur du Roi Roger.

D’un Polonais l’autre croirait-on, mais non, le jeune Szymanowski ne regarde guère vers Chopin, Fauré s’évoque quasi sous les doigts du Français dans le thème de l’Opus 3, les verreries colorées de Scriabine, si souvent jouées pour Szymanowski par Heinrich Neuhaus, sont reconnaissables dans maintes variations, tout cela divulgué avec des attentions de poète qui trouveront l’ampleur commandée, une année plus tard, par les Variations sur un thème polonais, son glas fulgurant, ses esquisses de danses des Tatras, ses spectaculaires oiseaux de la coda, tout cela si vif, si prégnant, preuves nouvelles d’un art inspiré qui s’amplifie à chaque nouvel album.

LE DISQUE DU JOUR

Karol Szymanowski
(1882-1937)
Variations en si bémol mineur, Op. 3
Variations sur thème populaire polonais, Op. 10
Frédéric Chopin (1810-1849)
Sonate pour piano No. 3
en si mineur, Op. 58

Jonathan Fournel, piano

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Photo à la une : le pianiste Jonathan Fournel – Photo : © Marco Borggreve

Meurtre

Schönberg résuma son orchestre au moment exact de sa bascule dans deux opus, les Gurrelieder et Pelleas und Mélisande. C’est cette modernité transcendante que fait d’abord entendre la direction vénéneuse de Paavo Järvi. Sachant que Schönberg a voulu coucher dans les portées une illustration fidèle du drame de Maeterlinck (en prenant soin de caractériser chacun des protagonistes du trio amoureux avec un instrument spécifique), Paavo Järvi resserre la partition.

Tempos rapides, orchestre clair jusque dans le plus sombre (Golaud), il débarrasse l’œuvre de ses parfums symbolistes pour en exposer la modernité. Les crescendos névrotiques, l’érotisme délétère, l’implosion de la scène de meurtre, un tel théâtre d’orchestre rappelle le raptus incendiaire du concert viennois de Dimitri Mitropoulos.

Pur contraste, le raffinement de la suite de Fauré, si ourlée, si tendrement respirée, rappelle les années que le chef estonien passa auprès de l’Orchestre de Paris. Il inspire aux Francfortois un éventail de couleurs subtiles qui culmine en émotion dans La mort de Mélisande.

LE DISQUE DU JOUR

Arnold Schönberg
(1874-1951)
Pelleas und Melisande,
Op. 5

Gabriel Fauré (1845-1924)
Pelléas et Mélisande,
Op. 80

Frankfurt Radio Symphony
Paavo Järvi, direction

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Photo à la une : © DR