Le voyage Schubert de Barry Douglas m’avait échappé. Le 7e volume me décilla : quoi, un Schubertien de première force qui m’était ignoré ? (voir ici). Le premier volume fut enregistré voici plus de dix ans, ouvert par une Sonate en si bémol majeur comme venue d’une autre planète : ce trille qui semble être un soupir de l’Ecclésiaste, ces paysages nocturnes variés à l’infini, puis les deux paradis agrestes disent assez qu’en commençant par l’ultime Barry Douglas avait déjà enclos ici tout son Schubert.
Le cycle, toujours en cours, aura donc pris son temps, resté fidèle au même lieu, le Curtis Auditorium de l’École de musique de Cork, de beaux Steinway réglés par Christopher Terroni, assurant une continuité, les prise de son signées d’abord par Ralph Couzens puis par Jonathan Cooper n’ayant elles non plus pas variées : les micros captent ce piano-orchestre en respectant la beauté de l’acoustique naturelle de la salle dont le pianiste fera fait au atout supplémentaire.
Piano-orchestre, les trois ultimes grandes Sonates en témoignant par l’urgence, la puissance, l’expression souvent beethovénienne qui s’en dégagent. Rien ne sera d’ailleurs sous l’abat-jour au long du parcours, pas même les Moments musicaux, joués amples, chantés comme des Lieder, emplis de paysages surprenants que Barry Douglas fait jaillir de l’harmonie toujours plus complexe qu’on ne le suppose chez Schubert.
Il renouvelle souvent l’écoute d’œuvres que je croyais connaître sur le bout de mes oreilles, comme la grande Sonate en ré majeur : cette Gastein[er], si téméraire, soudain petite sœur de la Wandererfantasie, en surprendra plus d’un ; même le Second Cahier des Impromptus fait entendre quantité d’accents, de phrasés qui laissent entrevoir ces pages connues sous des éclairages nouveaux : la variété de la palette, le réglage si fin du jeu de pédale y participent mais plus encore l’œil d’un pianiste qui sait lire entre les notes. Sa grande Sonate en la mineur (D. 784) allie mystère et proclamation, Barry Douglas la transforme en une symphonie de piano.
Les abîmes seront omniprésents, mais sans jamais rien de morbide : Barry Douglas place son Schubert face aux défis beethovéniens, auxquels il semble répondre par un surcroit d’énergie allant jusqu’à la rudesse, admirable par l’engagement autant que par la maîtrise : on sent plus d’une fois que le studio lui interdit une folie supplémentaire qui probablement gâcherait l’unité du projet, ce n’est en aucun cas un bémol.
Le 7e volume présentait la merveilleuse petite Sonate en mi bémol majeur où Barry Douglas rejoignait le jeu d’harpe éolienne qu’y distillait Wilhelm Kempff, on retrouvera le même lexique poétique tout au long d’une petite Sonate en la majeur faussement enjouée, preuve que le pianiste irlandais sait aussi trouver les clefs du plus intime de Schubert : j’espère beaucoup de ses futures propositions pour les premières Sonates.
LE DISQUE DU JOUR
Franz Schubert (1797-1828)
L’Œuvre pour piano, Volume 1
Sonate pour piano No. 21 en
si bémol majeur, D. 960
Du bist die Ruh, D. 776 (version pour piano seul : Liszt, S. 558/3)
Ungeduld, D. 795/7
[Die Schöne Müllerin] (version pour piano seul : Liszt, S. 563/5)
Fantaisie en ut majeur, D. 760
Barry Douglas, piano
Un album du label Chandos CHAN 10807
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Franz Schubert (1797-1828)
L’Œuvre pour piano, Volume 2
4 Impromptus, Op. 90, D. 899
Sonate pour piano No. 20 en
la majeur, D. 959
Barry Douglas, piano
Un album du label Chandos CHAN 10933
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Franz Schubert (1797-1828)
L’Œuvre pour piano, Volume 3
Sonate pour piano No. 19 en
ut mineur, D. 958
6 Moments musicaux, D. 780
Sei mir gegrüsst, D. 741 (version pour piano seul : Liszt, S. 558/1)
Auf dem Wasser zu singen,
D. 774 (version pour piano seul : Liszt, S. 558/2)
Barry Douglas, piano
Un album du label Chandos CHAN 10990
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Franz Schubert (1797-1828)
L’Œuvre pour piano, Volume 4
Sonate pour piano No. 9 en
si majeur, D. 575
Sonate pour piano No. 4 en
la mineur, D. 537
Sonate pour piano No. 13 en
la majeur, D. 664
Barry Douglas, piano
Un album du label Chandos CHAN 20086
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Franz Schubert (1797-1828)
L’Œuvre pour piano, Volume 5
Sonate pour piano No. 14 en
la mineur, D. 784
Sonate pour piano No. 17 en
ré majeur, D. 850 « Gasteiner »
Schwanengesang, D. 957 (2 extraits : No. 1. Liebesbotschaft ; No. 4. Ständchen – versions pour piano : Liszt, S. 560/10 & S. 560/7)
Barry Douglas, piano
Un album du label Chandos CHAN 20157
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Franz Schubert (1797-1828)
L’Œuvre pour piano, Volume 6
Sonate pour piano No. 16 en
la mineur, D. 845
4 Impromptus, Op. 142,
D. 935
Ave Maria (Ellens Gesang III), D. 839 (version pour piano seul : Liszt, S. 558/12)
Barry Douglas, piano
Un album du label Chandos CHAN 20253
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Photo à la une : le pianiste Barry Douglas – Photo : © Benjamin Ealovega (Janvier 2018)