La postérité n’aura retenu que le versant sombre d’Ambroise Thomas, son génie culminant dans Mignon, Hamlet, chefs-d’œuvre qu’on craignit d’oublier mais qui furent pleinement retrouvés depuis la fin du siècle passé.
C’est oublié combien son art s’employa à dorer le blason de l’Opéra Comique dont il fut un héros décisif. Psyché serait-il son chef-d’œuvre dans cette veine ? L’œuvre est délicieuse, pleine de surprises, et avec quelques clins d’œil au grand opéra français de l’ère baroque auquel le sujet incline : les transports en tempête de Psyché vers les contrées magiques ou vers les enfers l’atteste.
Dès l’ouverture, la finesse de l’orchestration dont György Vashegyi se régale, tire l’oreille. 1857 vraiment ? Ambroise Thomas, sachant la valeur de son bijou, le remit sur le métier vingt ans plus tard, donnant à Mercure, rôle central, le piquant d’un baryton Martin, mais coupant la plupart des étourdissants ensembles qu’heureusement Alexandre Dratwicki a conservés : sa proposition reprend essentiellement la version originale.
Ambroise Thomas y assemble la folie d’Offenbach, l’élégance d’Auber, mais aussi le brio rossinien – Psyché a des airs sublimes mais aussi virtuoses, Hélène Guilmette y est irrésistible de charme et d’agilité. Thomas n’hésite pas à décalquer les deux sœurs méchantes de Cinderella pour en affubler son héroïne : impayables les Dafné et Bérénice de Mercedes Arcuri et d’Anna Dowsley !
L’écriture réservée à Eros n’est pas moins virtuose, Antoinette Dennefeld lui donnant des ailes : cette légèreté, ce feu, cette passion jusqu’au sombre teintée de tendresse dans les échanges avec Psyché dont elle doit combattre l’obstination, forcent l’admiration.
La Bacchanale qui ouvre l’Acte final colore un peu plus d’Offenbach l’ouvrage : d’ailleurs Mercure, si vivement croqué par Tassis Christoyannis, semble tiré d’Orphée aux Enfers dont la seconde version avait été donnée le 7 février 1874 au Théâtre de la Gaité, l’air du temps se sera infusé dans l’évolution de cette partition irrésistible, si brillamment défendue ici.
Le livre, qui est l’autre atout de cette parution exemplaire, aussi documenté que passionnant, est une mine qui se lit d’un trait.
LE DISQUE DU JOUR

Ambroise Thomas (1811-1896)
Psyché
Hélène Guilmette,
soprano (Psyché)
Antoinette Dennefeld,
mezzo-soprano (Eros)
Tassis Christoyannis,
baryton (Mercure)
Mercedes Arcuri,
soprano (Dafné)
Anna Dowsley,
mezzo-soprano (Bérénice)
Artavazd Sargsyan,
ténor (Antinoüs)
Philippe Estèphe, baryton (Gorgias)
Christian Helmer, baryton (Le Roi)
Hungarian National Choir
Hungarian National Philharmonic Orchestra
György Vashegyi, direction
Un livre-disque de CD du label Palazzetto/Bru Zane BZ 1062
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Photo à la une : le chef d’orchestre György Vashegyi –
Photo : © Pilvax Films